Ace reprenait peu à peu ses esprits, toujours désorienté par sa crise, le froid qu'avait causé le léger laser glace d'Akwakwak visant à le calmer, et la douleur lancinante provenant de son doigt tranché.
Mais Ace n'eut pas le temps de se reposer, car il entendit des rugissements féroces au loin, suivis d'un cri, plus féminin. Il tourna la tête mais un cannibale lui sauta sur le dos, le faisant ainsi tomber au sol. Un autre tenta de les rejoindre, mais Red lui asséna un Mass' D'os qui le sonna sèchement. Ace attrapa la tête du cannibale toujours sur son dos en passant ses bras au dessus de sa tête. Son doigt lui faisait toujours mal, mais c'était supportable, et il n'avait pas le choix. Il poussa un cri de rage, et arracha la tête du cannibale dans son dos, avant de la jeter au loin et de se retourner. Il constata que Red et Akwakwak s'étaient occupés du deuxième, et il se mit en quête d'Hétalia et de Seren.

Ace titubait, et sa vision était encore un peu trouble. Cette crise avait été l'une des plus violentes de ces derniers mois, et ses effets ne s'estompaient pas rapidement. Alors que Red et Akwakwak le suivaient tout en surveillant ses arrières, Ace repéra plusieurs silhouettes contre l'une des parois de la grotte, un peu plus loin devant lui. Il accéléra le pas, manquant de tomber à chaque enjambée. 

Hétalia était en grand danger. Les deux morsures qu'elle avait subie saignaient abondamment, et l'empêchait de manier le sabre correctement, ainsi que de se déplacer rapidement. Les deux créatures plus monstres qu'humains restant arrivèrent à sa hauteur, tels des prédateurs. Hétalia leva son de son bras indemne, tout en tentant de protéger Seren, allongée sur le sol, comme en état de léthargie, juste derrière elle, de son autre bras. Elle planta son sabre dans le ventre du premier, mais en voulant le retirer pour s'attaquer au deuxième, constata qu'il était bloqué. La créature le tenait, ne se souciant guère de la douleur et des blessures infligées, elle souriait. Un sourire sadique et moqueur à l'attention d'Hétalia, désormais sans arme. Le deuxième cannibale se précipita sur elle, ouvrant grand sa mâchoire, quand une machette se planta dans son crâne, arrivant jusqu'à son oeil, offrant ainsi à la vue des deux jeunes filles une blessure immonde et cauchemardesque. Hétalia n'en revenait pas. Son coeur battait à tout allure. Elle cherchait Ace du regard, luttant contre la pénombre. Quand elle l'aperçut enfin, il n'était plus très loin. Il avançait en titubant, tenant sa main gauche contre sa poitrine, Red et Akwakwak le talonnant. 

Le cannibale que tenait encore Hétalia au bout de son sabre ne lâchait toujours pas prise, et Hétalia n'arrivait pas plus à s'en défaire qu'au début. Elle pouvait voir de près ses dents pourries, ses yeux injectés de sang, et sentir son haleine putride. 

Ace parvint enfin à la hauteur des deux filles, et leur jeta un rapide coup d'oeil pour vérifier qu'elles allaient bien. Il repéra Seren, allongée, mais vît qu'elle avait les yeux ouverts et ne semblait pas blessé, il ne s'en inquiéta donc pas. Il n'avait que le nom d'Hétalia en tête, nom qu'il ne cessait de se répéter depuis qu'il avait repris connaissance. Seul l'instinct de tuer prenait le pas dans l'ordre de ses priorités. Il arracha sa machette du crâne du cannibale désormais au sol, et la planta d'un geste sec sur le sommet du crâne de celui qui tenait toujours le sabre d'Hétalia.

Il s'arrêta quelques secondes pour reprendre son souffle, et regarda alternativement les deux jeunes filles.

- On y va. Lança-t-il. On a trop traînés ici.

Ace se retourna, et de sa main valide, sembla fendre l'air. Un portail s'ouvrit alors, et il fît signe aux deux jeunes filles de l'y suivre, avant d'y entrer lui-même, suivi par Red et Akwakwak.

Je fis le dos rond, poils hérissés, dents à découvert. Jamais je n'avais vu pareille chose. Qui pouvait faire apparaître des "portes" de nulle part ? Pas question que je le suive. Où allait-il ? Sepia souhaitait seulement aller en ville. Qui pouvait, à cet instant précis, assurer qu'il nous conduisait en lieu sûr ? Toute cette mascarade pouvait aussi être une ruse, un coup monté sous forme de scénario bestial où sa bienveillance à notre égard visait à baisser notre méfiance. Ce garçon n'était pas normal. Bien qu'il ait voulu nous aider, son comportement n'était pas celui d'un être sain. Méfiante, je me tournai vers Sepia, qui se tournait à présent en chien de fusil. Position rassurante par excellence, roulée en boule, elle ne risquait rien. Il était pourtant temps qu'elle revienne à elle. Je me dirigeai vers Hétalia et grattai sa chaussure dans l'espoir d'attirer son attention, bien que sa douleur soit sans aucun doute intenable et qu'elle avait mieux à faire que de me regarder. A chaque coup qu'elle avait reçu, j'avais eu envie d'accourir, mais mon rôle était de surveiller Sepia, bien que mon manque d'entraînement faisait de moi un Pokémon inutile. Mais Prisme avait terminé : la corde tissée paraissait solide. Je me mis à dessiner le puits de lumière, le fil de Prisme qui, tel le fil d'Ariane, serait notre sortie à nous, quoi qu'il arrive. Puis, je dessinais mon joli minois de façon avantageuse avant de croquer Sepia grossièrement et de représenter la Lépidonille par une série d'anneaux. Une flèche indiquait que nous décidions de remonter. J'esquissai un sourire timide et me frottai à ses chevilles en guise de remerciement. Mon regard croisa le sien. J'aurai tant aimé pouvoir m'exprimer à ce moment, lui dire ô combien la présence d'Aquene m'avait été précieuse. J'étais aussi convaincue que Sepia avait apprécié la sienne et qu'elle lui était reconnaissante de lui avoir montré ce que vivre signifiait. Leur compagnie avait été pour nous plus que bénéfique. J'inscris enfin quelques mots, que je connaissais de la langue humaine, et que je savais transcrire exactement, pour les avoir si souvent lu sur la porte de la Pension : "A la prochaine !". Puis, je m'intéressai de nouveau à ma propre dresseuse dont je bouchai le nez avec mes pattes après avoir grimpée sur son épaule, provoquant un réveil plutôt brusque.

- Qu- Quoi ?!

Sepia s'assit automatiquement, me projetant face contre terre.

- Où sommes-n... on est encore ici ?

Elle s'étira, se leva, comme à son habitude chaque matin, à la seule différence près que mon horloge interne sonnait les 17h. Elle scruta la pièce avec de grands yeux. J'espérais qu'elle ne reparte pas au doux pays des rêves, auquel cas, Prisme devrait lui tisser une civière.

- C'est terminé ? On a gagné ? Hey !

Elle pointa du doigt la porte magique, dont je ne connaissais pas l'appellation exacte.

- Qu'est-ce c'est Héta- Hey !

Cette fois, elle regardait horrifiée, les mains plaquées sur la bouche, les blessures de son amie.

- Mon dieu Hétalia, tu saignes !
- *Brillante observation Sherlock...*
- Il faut qu'on te conduise à l'hôpital !

Je jetai un coup d’œil à Prisme qui longeait son fil pour suivre notre conversation. J'attirai l'attention de Sepia pour lui expliquer rapidement la situation actuelle : le passage ouvert, l'option Prisme et les raisons de l'état critique de son aînée.

- ...Moi, je ne vais pas là-dedans. Je n'aime pas le noir et c'est comme les trous noirs dans l'espace, je ne sais pas où ça va. Je préfère retourner en haut avec Prisme et Dorea ! Hétalia, je t'en prie, viens aussi ! Si tu ne peux pas monter, je te porte sur mon dos !

J'éclatai de rire avant de me reprendre. Si Hétalia acceptait, c'est la tête fracassée sur le sol qu'elle finirait ses jours. Sepia n'avait pas la force nécessaire de soutenir un corps en montant à la corde. Il y avait de grandes chances que nos chemins se séparent. Le fait est que peu importe leur choix, Ace ne m'inspirait pas plus confiance que les êtres que je comparais facilement à des zombies. Puis j'avais remarqué que l'Oniglali nous avait conseillé le chemin où un filet d'air se faisait légèrement sentir, autrement dit : plus le tunnel serait aéré, plus la sortie serait proche. Je me sentais capable de la trouver.

Je tentais de ne pas sombrer dans les vappes, et regardais Sepia, le cerveau en ébullition. Je comprenais son choix, c'était normal. Dorea ne semblait pas non plus prête à suivre ce type. Quoi de plus normal, après tout. En règle générale, je n'aurais pas non plus suivi un type, qui ouvre un portail à son gré n'importe où. J'avais déjà eu vent de ce genre de "don", il y a quelque temps. Cependant, jamais je ne l'avais vu en pratique jusqu'à aujourd'hui.
Mais étrangement, quelque chose en Ace m'intriguait. Je voulais en savoir plus, et lui aussi semblait s'être blessé. Et d'un autre côté, je ne pouvais pas non plus être transportée par Sepia. Je n'avais pas assez de forces pour marcher, et pour résister à une montée pareille, je le sentais bien.

Mon corps s'apprêtait à lâcher. Malgré tout, je gardais un air neutre, une voix et une posture contrôlée devant Sepia pour ne pas l'inquiéter d'avantage. Je rangeais lentement mon sabre dans son fourreau, je le nettoyerais plus tard. Je remis un peu d'ordre dans mes vêtements, avant de redresser légèrement la tête vers Sepia.

- Ecoute, j'ai une idée... Tu vas aller au Centre Commercial seule, je te rejoindrais plus tard quand je me serais soignée. Ne t'inquiète pas pour moi, je sais me défendre, et je n'ai pas assez de forces pour supporter le voyage jusque là-bas, ni pour escalader la paroi avec vous. Dorea et Prisme sont débrouillardes, tu n'as rien à craindre. Et pour ce qui est de votre protection et du chemin...

Je glissai mon sac sur mon bras, et fouillai dedans pour récupérer une PokéBall. Malheureusement, j'y étais allée de façon trop brusque, puisque la lanière glissa jusqu'à mon avant-bras, s'appuyant sans retenue sur ma plaie, qui saignait encore malgré mon bandage improvisé. Je grimaçai de douleur, me mordant la lèvre, avant de glisser à nouveau mon sac sur mon dos. Je tendis ma Pokéball. Aquene y jaillit instantannément. Face à Dorea, Sepia et Prisme, son regard inquisiteur et surpris se dirigea alors vers moi. Il ouvrit de grands yeux en voyant mon état. Je lui lançai un regard lourd de sous-entendus, pour qu'il ne dise rien de plus, avant de me pencher légèrement vers lui.

- Aquene, j'aimerais que tu accompagnes Sepia, et surtout que tu la surveilles elle et Dorea. Elles vont sortir d'ici en utilisant le fil tracé par Prisme. Moi, je vais passer par ce... "portail". On se rejoindra au Centre Commercial plus tard. D'accord ?

Il sembla, de prime abord, contre mon idée. Mais après un instant de réflexion, il tourna la tête vers Dorea, et poussa un léger soupir à mon intention. Il comprenait pourquoi j'agissai ainsi. Je n'avais pas envie de laisser Sepia livrée à elle-même dans cet endroit. Je ne serais qu'un handicap pour eux si je les accompagnais, et Aquene pourrait les défendre parfaitement. Malgré tout, il semblait hésitant à me laisser toute seule. Je lui adressai un sourire confiant, avant que Tadi ne fasse de même en sa direction. Le message était passé. Il veillerait sur moi, il n'avait aucune crainte à avoir.
Aquene hocha la tête, et avant de se diriger vers Dorea, il m'adressa un sourire et se rapprocha de moi. Je passai ma main sur sa tête, un peu triste de me séparer de lui. Mais je le retrouverais plus tard, malgré tout. Je me séparai de lui, tandis qu'il restait figé, le regard braqué en ma direction. Je fis un petit signe de main à Sepia, un sourire en coin sur les lèvres.

- A plus tard. Et évite de me faire des bêtises ! Si je retrouve Aquene dans un sale état, tu passeras un sale quart d'heure.

Je tournai les talons, sans laisser le temps à Sepia de répondre, contrôlant ma marche du mieux que je pouvais. Ma cheville me faisait atrocement souffrir, et il n'en fallait pas plus pour que je m'écroule au sol. J'espérais que Sepia, dans la pénombre, ne distinguerais pas l'état de mes blessures. Je réussis néanmoins à garder une marche contrôlée, soutenue par Tadi, qui s'était glissé sans que je m'y attende sous mon bras valide. Il m'adressa un regard triste, sans doute à la vue de mon état, et joua le rôle de béquille jusqu'à atteindre le portail crée par Ace. Je restai un instant en suspens, comme déconnectée de la réalité. Sepia avait trouvé un bon terme. Ce portail me faisait penser à un trou noir. Une étrange aura s'en dégageait, noire, chargée d'une énergie sombre et inconnue. Où me mènerait-il ? Aucune idée. Mais je n'avais pas le choix, c'était là mon seul échappatoire pour sortir d'ici. Quelque chose d'autre me guidait également. La curiosité, sans doute. Le regard que j'avais échangé avec Ace, et sa façon de me fixer, piquait ma curiosité. Comme si j'avais un lien, aussi fragile et fin qu'un fil, avec lui.

Il n'en fallu pas plus pour me convaincre. L'adrénaline, l'envie de sortir d'ici. Assaillie par une odeur de sang et de mort, je tournai la tête sur le côté, gardant mon regard figé sur le cadavre d'une jeune femme. Une humaine passée à l'état de cannibale. Cette grotte aura au moins été son tombeau. J'étais persuadée que nous avions rendu service à ses gens. En arriver à ce stade de monstre était pour moi, bien pire que la mort.

La douleur m'assaillait à nouveau. Celle de ma chute, et mes deux morsures. Le regard trouble, je commençai à perdre pied avec la réalité. Tadi engagea alors sa tête dans cette étrange porte. Il n'eut rien. Il ressortit la tête et me fixa d'un regard confiant, sûr de lui. Inutile de parler. Les mots étaient remplacés par un échange de regard entre mon meilleur ami et moi.

Nous tournâmes tous les deux la tête vers le portail. Soutenue par Tadi, ce dernier s'engagea en premier. Je le suivis en même temps, me sentant happée par cette porte irréelle, avant de me sentir totalement déconnectée de l'espace et du temps.

Où allais-je atterir ?
Je n'allais sans doute pas tarder à le savoir.

Après le départ d’Hétalia, le portail resta-là, à me narguer, telle une énorme bouche béante qui n’attendait qu’une chose : se refermer sur moi, m’engloutir toute entière. Il semblait attendre ma décision, mais elle était toute prise. Je jetai un œil à Prisme qui remontait le long de son fil. Oui, elle était prise. A cette pensée, le passage qui menait vers un lieu mystérieux s’évanouit, à notre surprise à tous.

- Bon, eh bien, dis-je pour ramener le groupe dans le présent. Il faut qu’on monte. Aquene, ne m’en veux pas, mais je vais d’abord monter avec Dorea. Au moindre problème, tu m’appelles !

Il approuva ma décision. Nous savions tous les deux qu’il était plus judicieux de remonter d’abord Dorea, qui en cas de danger, n’aurait pu alerter personne. Ce qui aurait été un souci pour elle en premier lieu, puis pour l’équipe dans sa totalité.
Je hissai la renarde sur mes épaules et montai, non sans mal, à la tresse étrange qu’avait tissée Prisme. Heureusement, la sécrétion était légèrement collante. Inutile de préciser que, n’étant pas très sportive, la tâche aurait été bien plus compliquée, voire impossible, s’il s’était agit d’une simple corde en chanvre. Je déposai Dorea aux côtés de la chenille avant de me laisser glisser pour rejoindre Aquene en bas.

- A ton tour mon joli !

La seconde épreuve fût plus délicate : Aquene était non seulement plus lourd, mais aussi plus grand que Dorea. La renarde n’avait été pour moi qu’un petit poids supplémentaire, comme un sac que j’aurais trop rempli. Mais le Feunard rendait mes prises plus maladroites. Aussi plusieurs fois, nous avions manqué de retourner au point de départ, mais Aquene avait eu le bon sens de planter ses crocs dans le cordage d’infortune, freinant notre descendante à temps pour que je puisse reprendre l’escalade. J’atteignais le haut le plus rapidement possible cependant, après avoir remarqué les endroits où le fil était effiloché, là où Aquene l'avait mordu, menaçant de céder sous notre poids, nous promettant une nouvelle chute de plusieurs mètres.

- Bien, ça, c’est fait. Aquene, Dorea, vous êtes dès à présent nos guides !

Un hurlement rauque attira mon attention. Je me baissais un peu vers le trou, qui se trouvait un peu plus tôt au-dessus de nos têtes et qui était à présent à mes pieds. Je croisais le regard d’une de ces créatures qui nous avaient attaqués un peu plus tôt, une paire d’yeux injectée de sang mêlé à une touche de folie. Un dosage et une recette que je jugeais mauvais. Elle avait compris que ces congénères avaient passé un mauvais quart d’heure. Un très long mauvais quart d’heure. Et les seuls coupables encore présents - bien que je ne me sente pas concernée le moins du monde, puisque j’avais perdu connaissance - étaient là-haut.

- Dorea, brûle la corde, maintenant.

A mesure que le feu longeait le fil, le sous-sol apparaissait à la lueur des flammes, dévoilant les cadavres mutilés gisant sur le sol nappé de sang. Mon regard pourpre fut parcouru d’une étincelle de malice, un éclair d’espoir, alors qu’un sourire victorieux illuminait mon visage, contrastant avec la fureur que je pouvais lire sur le visage de ce qui semblait être une femme.

- Attrape-nous si tu le peux, lançai-je avec défi, avant de prendre Prisme pour la ranger sur mon épaule et de saisir Dorea que je serrai contre moi. Aquene, suis-nous ! Prisme, lance  Sécrétion sur les parois : des fils bien droits. Dorea, lorsqu’elle passe au côté opposé, mets-y le feu.

Bientôt, nous marchâmes guidés par une rampe enflammée qui nous réchauffait un peu. Je savais qu’Aquene restait sur le qui-vive. La vision d’Hétalia, gravement blessée, était imprimée dans son esprit. Et dans le mien. Les cris étranges de ces créatures, que je me refusais de considérer comme humaines, me hantaient. Je sursautais parfois, persuadée de les avoir entendus de nouveau. Ils étaient encore là. Tapis. Quelque part. J’en étais certaine…
Nous arrivâmes enfin à une salle immense, bien plus grande que les précédentes, surplombée de ce qui ressemblait à un immense lustre naturel. La glace, partant du plafond, se ramifiait avant de s’étendre en une masse ovale de grande taille. Je demandais à Aquene de couper ce cordon gelé pour en faire tomber la grande goutte glacée. Il chercha un soutient auprès de Dorea qui ne comprenait pas non plus où je voulais en venir, mais hocha la tête. Pendant qu’il s’afférait à la tâche, en restant éloignée du centre de la cave, je m’avançais vers l’unique tunnel qui s’offrait à nous. La chute de glace fit légèrement trembler l'antre. Mon cœur se souleva en entendant ce qui semblait être des pas précipités.

- Dorea, Aquene, combinez vos efforts pour nous faire un joli petit traîneau de… un peu moins d’un mètre cinquante de large. En hauteur, soixante… soixante-dix devrait suffire.

Le couloir de glace n’était pas très haut, mais peu importe. Je ne comptais pas rester debout. Finalement, mon traîneau pris plus la forme d’un grossier bobsleigh, qui remplissait tout de mêmes les conditions mentionnées plus tôt.

- Prisme, écoute, demandai-je à le chenille que je posais près de l’ouverture. Tisse un lien solide qui va d’un côté à l’autre du tunnel. On arrive tout de suite, fais vite !

Je courrais vers mes amis à quatre pattes et examinais rapidement leur travail. Je les invitai à monter sur la plate-forme taillée. Aquene questionna Dorea du regard, puis grimpa avant elle pour la rassurer. Moins convaincue, elle sauta à ses côtés et se lova entre ses pattes.

- Aurais-tu peur Dorea ? me moquai-je un peu. Tu vas voir…

Je poussais légèrement notre nouveau moyen de locomotion, jusqu’à ce qu’il prenne seul de la vitesse grâce à une légère pente. Mais au contact du fil tissé par Prisme, il s’immobilisa. Je pris place, assise aux côtés des renards. Nous prenions une petite pause pour gérer la nouvelle organisation. Finalement, Aquene s’allongea sur mes jambes, Dorea serrée contre lui, alors que Prisme se cramponnait à mon épaule. Un cri retenti. Aigu, froid, inquiétant.

- Dorea, Flammèche.

La petite flamme courut le long de la sécrétion, dansa devant nos yeux, avant que nous sentions le « traîneau » partir en avant. Il prit rapidement de la vitesse. Aquene lançait parfois une petite boule de feu dans la pénombre pour éclairer notre chemin. Prisme gérait la direction comme je lui demandais : en sécrétant des fils contre les murs pour attirer le morceau de glace dans telle ou telle direction. Dorea était notre petit radar personnel : elle pointait du museau la direction la plus sûre, en fonction de ce qu’elle sentait : odeur, vent, pressentiment. Parfois, elle cherchait l’approbation d’Aquene. Mon rôle était uniquement de maintenir la stabilité de du bobsleigh nouvelle génération et donner à Prisme le choix des renards en version orale.

- Prisme, à droite toute !

La grotte semblait plutôt plane. A une seule occasion, Aquene et moi dûmes pousser le traîneau dans une côte plutôt raide. La dernière ligne droite fut la plus amusante. Nous filions si vite que les boules de feu d’Aquene menaçaient de nous revenir comme des boomerangs. Quand soudain, un jet de lumière jaillit devant nos yeux.

- Prisme, au cas-où Sécrét-

Quelque chose venait de me percuter en plein visage, étouffant mon cri de douleur, alors que la chenille se préparait à la sortie en plein jour. Elle avait elle aussi vu les plaines en contrebas. Nous étions dont en altitude... Le carré de glace, usé par le trajet rapide et le frottement contre le sol mi-glace mi-roche, termina sa course en contrebas, dans un léger fracas. J’avais eu le temps de saisir la corde tissée en hâte par la chenille, qu'elle avait glissé dans ma main avant de remonter, Aquene s’était jeté sur moi, Dorea dans sa gueule. Nous étions à présent suspendus dans le vide, le long d’un fil qui descendait doucement vers la terre ferme. Une terre sèche, d’où s’échappait de petites touffes d’herbes. L’extérieur. Il craqua un peu trop tôt, nous précipitant sur une chute de quelques centimètres. Rien de grave cette fois !
Alors qu’Aquene reposait Dorea et vérifiait qu’elle allait bien, je retirai de ma figure ce qui m’obstruait la vue depuis une courte minute.

- Stal ?
- Plait-il ?
- Gamin…
- …Non mais, je t’en prie ! De quel droit tu m’insultes, toi ?!

Enfin, Prisme se posa en douceur sur mon épaule et recracha l’extrémité de la ficelle qu'elle avait lancé en sentant la première céder sous nos poids cumulés. Je reposais le truc qui m’avait gênée par terre et entamait le nouveau trajet à parcourir, intitulé: « Grotte vers Ville ». Je balançais mes bras en chantonnant, libérée, délivrée de cette tombe sinistre qu’était cette grotte de glace. Splendeur de Cristal ! Tu parles ! Horreur de Cristal, oui !

- Et maintenant, direction le Centre Pokémon !

Aquene marchait noblement à mes côtés, et prit bientôt la tête du cortège imité par Dorea qui semblait vouloir absorber tout ce que possédait le Feunard. Il fallait avouer que sa majesté naturelle aurait rendu jaloux plus d’un.

De son côté, le Stalgamin, ou plutôt « la », puisqu’il s’agissait d’une demoiselle, relevait la tête vers la cavité rocheuse, quelques mètres plus haut : impossible de remonter. Puisqu’elle ne pouvait pas rentrer chez elle, elle décida de suivre Sepia. La jeune fille sentait bon le miel. Et elle adorait le miel…